Elisabeta ISANOS: Eminescu – versiuni franceze

PASSÉS LES ANS

 

Passés les ans, nuages sur les plaines,

Et de retour jamais ils ne seront,

Car je n’ai plus au coeur le même frisson

À ces histoires, légendes et cantilènes

 

Qui tant de fois m’ont caressé le front

D’enfant, si claires, mais comprises à peine;

En vain autour de moi tes ombres viennent,

Heure des secrets profonds, soleil couchant.

 

Oh, du passé sortir un son encore,

Et que je sente mon âme frémissant…

Ma main qui glisse sur la lyre: une ombre;

 

Tout est perdu dans l’âge de l’aurore,

Elle se tait, la bouche du vieux temps,

Il monte derrière… Je deviens sombre.

 

SOIR DES COTEAUX

 

Soir des coteaux, cor résonnant de tristesse,

Pour les troupeaux, les étoiles paraissent,

Pleurent les eaux pures coulant des fontaines,

Sous l’acacia, chère, attends que je vienne.

 

Sainte et claire, passe la lune là-haut,

Vue par tes yeux grands à travers les rameaux,

Fraîchement nées, les étoiles sereines…

Tant de pensées que de désirs tu es pleine.

 

Lorsque les nues sont transpercées de rayons,

On voit les noirs toits viellis des maisons,

Grince le puits, souffle le vent sur la hutte,

Dand la vallée, aux bergeries, jouent les flûtes.

 

Faux sur l’épaule, hommes qui rentrent du champ,

Très fatigués, et l’angélus résonnant,

La vieille cloche comble de chant les lieux,

Mon âme brûle de ton amour comme un feu.

 

Ah, bientôt tout le village se taira,

Ah, bientôt je me dépêche vers toi,

Sous l-acacia, jusqu’à la pointe du jour,

Nous resterons, que je te parle d’amour.

 

Tempes collées, corps appuyé contre corps,

Nous serons pris par un sommeil doux, dehors,

Sous l’acacia… Une si riche nuit,

Qui ne voudrait vivre en échange de sa vie?

 

VENISE

 

Perdue la vie de la superbe Venise,

Plus de chansons, de bals, de lumières,

Escaliers en marbre, arcades fières,

Sur tout, la lune qui blanchit s’est mise.

 

Sur les canaux, l’Océan qui désespère,

Toujours en fleur, il pleure  et s’épuise

À ranimer au souffles de la brise,

Comme autrefois, sa fiancée de pierre.

 

Un cimetière, la cité sans vie,

Prêtre qui dure en traversant les temps,

Sonne Saint-Marc les coups du minuit.

 

Comme celle d’une Sibylle en prédisant,

Sa voix au rythme des secondes dit:

„Les morts ne ressuscitent pas, enfant!”

 

LA PRIÈRE D’UN DACE

 

Lorsqu’elles étaient absentes, la mort, l’éternité,

Et la semence dont la lumière est née,

Ni aujourd’hui n’était, ni hier, ni demain,

Car tous étaient dans l’un et l’un en était plein,

Lorsque la terre, le ciel, les airs, le monde entier

Restaient comme les choses qui n’ont jamais été,

C’était Toi seul alors; je me demande songeur:

Qui est ce dieu auquel nous consacrons nos coeurs?

 

Lui seul avait été Dieu avant les dieux,

De l’océan des mers a fait jaillir le feu,

Il donne une âme aux dieux, la joie à l’univers,

C’est le salut que trouve l’humanité entière,

Donc, haut les coeurs! Chantez des hymnes pour Lui,

La mort de toute mort, résurrection des vies!

 

C’est Lui qui m’a donné des yeux pour voir le jour,

Il m’a rempli le coeur des charmes de l’amour,

J’ai entendu Sa marche dans le bruit des vents,

Et j’ai senti Sa voix dans l’harmonie du chant,

Et outre tout cela j’ajoute encore ce mot:

Qu’Il me permette l’entrée dans l’éternel repos!

 

Ceux qui auront pitié de moi, qu’Il les maudisse,

Et qui m’opprimera, je veux qu’Il le bénisse,

Qu’Il laisse parler la bouche qui se rirai de moi,

À qui veut me tuer, qu’Il fortifie le bras,

Et celui au-dessus des autres qu’Il le mette,

Qui me prendra la pierre où j’ai posé ma tête.

 

Chassé par tout le monde, que je traverse les ans,

Et que je sente même les larmes aux yeux séchant,

Dans n’importe qui, alors, un ennemi va naître,

Moi-même, j’arriverai à ne me plus connaître,

Car la douleur, la peine, mon coeur l’ayant durci,

Ma mère adorée, alors, je la maudis,

La haine la plus forte me semblera caresse…

Alors, je vais mourir, peut-être, sans détresse.

 

Et si je meurs en hors-la-loi, en étranger,

Que l’on me jette le corps dehors, sur le pavé,

Que tu couronnes le front de celui, Seigneur,

Qui incitera les chiens à dévorer mon coeur,

À qui me jetera des pierres dans la face,

D’un éternelle vie, accorde-lui la grâce!

 

Ce n’est qu’alors, mon Père, que je Te remercie

De m’avoir donné la chance de la vie,

Je ne fléchis jamais pour demander Tes dons,

Si je Te prie, c’est pour la malédiction,

Pour que je sente mon souffle périr dans le Tien,

Que le néant me prenne, et qu’il n’en reste rien!

 

(Versiuni franceze de Elisabeta Isanos, apǎrute în diverse antologii)

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